Deux hommes reviennent de Jérusalem bouleversés. Tout en marchant, ils cherchent à comprendre les évènements des derniers jours. Rien ne s’est passé comme ils s’y attendaient… le Messie devait se manifester avec puissance, en roi invincible ! Mais le maître s’est laissé condamner à mort et crucifier comme un malfaiteur. Ce matin, ce que les femmes ont rapporté en revenant de la tombe… Inconcevable ! Ils discutent, cherchent à comprendre. D’ailleurs, que s’est-il passé exactement ?

Dans leur recherche commune empreinte de désarroi, un espace s’ouvre. Il est d’autant plus vaste qu’il surgit entre deux personnes « en chemin », en mouvement. Car leur question reste, pour un temps, sans réponse : ils cherchent dans une direction, puis dans une autre, perdus. Un « troisième » se joint à eux. Sa présence vient emplir cet espace ouvert. Elle est tellement immédiate, tellement quotidienne qu’ils ne la relèvent même pas et qu’ils continuent tout simplement leur conversation avec lui. Et la réponse vient, peu à peu, dans le dialogue. La lumière naît en leur esprit, ils commencent à comprendre.
Oser vivre avec une question, sans chercher aussitôt à se rassurer avec une réponse, ouvre un espace intérieur. Une vraie réponse peut naître, qui vient non pas de la raison uniquement, mais d’ailleurs. Combien de fois vit-on cela dans un échange sincère, de coeur à coeur ? Des réponses viennent, parfois subites, inattendues ; il peut même nous arriver de formuler nous-même une idée complètement nouvelle, arrivée dans l’instant et dont nous sommes le premier à nous étonner. C’était la réponse, l’idée dont nous avions besoin, nous se sentons immédiatement. Elle surgit comme une lumière dans l’espace ouvert par l’état de questionnement, dans l’intimité chaleureuse de la rencontre. D’où vient-elle ? Nous ne le savons pas, mais elle est venue, c’est tout.
Le soleil tombe, il faut faire halte. Les deux hommes invitent le troisième et ils s’asseyent à table. Ils partagent le repas et quand leur hôte rompt le pain en le bénissant, ils le reconnaissent enfin. Et aussitôt, il se soustrait à leur regard. L’essentiel a eu lieu, il peut se retirer. Mais il reste aux deux hommes une certitude : c’était bien lui ! Contre toute attente, tout se qui s’est passé ses derniers jours avait un sens et était justifié. C’était bien lui : il a éclairé notre esprit, et d’ailleurs, « notre coeur ne brûlait-il pas, alors qu’il nous parlait en chemin ? ». Ils le reconnaissent rétrospectivement à la lumière et la chaleur purement intérieurs qui rayonnaient de sa présence. Bien qu’il fasse nuit, ils se remettent en route vers Jérusalem pour annoncer la nouvelle : Il est vivant !
Le Ressuscité peut se manifester parfois de manière quotidienne, tellement proche qu’il passe tout d’abord inaperçu. Il ne s’impose pas. Il est présent auprès de ceux qui le cherchent sans se laisser enfermer par des réponses toutes faites, par des certitudes qui ferment le coeur. Il peut être reconnu aux effets de sa présence : une pensée claire et vivifiante, la chaleur intérieure, une joie paisible ; enfin, le désir d’annoncer, de partager ce qui a été reçu.
Luc 24, 13-32
Et voici que deux d‘entre eux se rendaient le même jour à un village distant de deux heures de Jérusalem, du nom d’Emmaüs. Ils parlaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Or comme ils parlaient et cherchaient ainsi ensemble, il advint que Jésus, s’étant approché, faisait route avec eux, mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Il leur dit : quelles sont les paroles que vous échangez entre vous en marchant ? Et ils s’arrêtèrent, le regard sombre. L’un d’eux, du nom de Cléopas lui dit : tu es bien seul qui réside à Jérusalem qui ne sache pas ce qui s’est passé ces jours-ci ! « Quoi donc? » leur dit-il. Ils lui répondirent : Ce qui concerne Jésus de Nazareth, un homme, un prophète puissant en actions et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple ; comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié. Et nous, nous espérions que c’est lui qui allait délivrer Israël. Il y a trois jours que ceci s’est passé. Mais certaines femmes qui sont des nôtres nous ont stupéfiés : s’étant rendues de bon matin au tombeau et n’ayant pas trouvé son corps, elles revinrent en disant avoir eu la vision d’anges qui leur dirent qu’il est vivant. Certains d’entre nous sont allés au tombeau et ce qu’ils ont trouvé était conforme à ce que les femmes avaient dit, mais lui, ils ne le virent pas.
Et il leur dit : Comme vos esprits sont sans lumière, et vos coeur lents à croire tout ce qu’on dit les prophètes ! Le Christ ne devait-il pas souffrir tout cela pour manifester la lumière de son être ? Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les écritures ce qui le concernait.
Ils s’approchèrent du village où ils se rendaient, et il semblait qu’il voulût aller plus loin. Mais ils le pressèrent en disant : reste avec nous, car le jour se retire et le soir tombe. Et il entra pour demeurer avec eux. Quand il se fut mis à table, il prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent, mais il se soustrait aussitôt à leur perception. Et ils se dirent l’un à l’autre : notre coeur n’était-il pas brûlant en nous, lorsqu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait le sens des écritures ? À l’instant même, ils se remirent en route et retournèrent à Jérusalem; ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons qui leur dirent : « C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Simon. »