À propos

Guillaume Apollinaire

Oui, il est grand temps ! Les nuits de nos régions urbanisées sont inondées de led bleues ou oranges qui empêchent de voir briller les étoiles de tout leur éclat. Notre manière de vivre éteint les étoiles. C’est un symptôme extérieur, issu d’une certaine manière de regarder et d’exploiter le monde comme un objet de consommation. Sans renier les bienfaits de la technique et les apports d’une science avant tout matérialiste, il est temps aussi d’en voir les limites.

Il est surtout urgent d’élargir le champ de la connaissance à la dimension subtile, spirituelle du monde. Qu’est-ce que la vie ? Quel est le geste d’un plante ? Quelle voix parle dans le vent ? Quelle force a structuré un cristal ? Qu’est-ce que l’être humain ? Qu’est-ce qui, depuis l’intérieur, sculpte un visage ? En chaque personne s’ouvre un abîme, aussi vaste que le ciel étoilé. Le monde est complexe et infini, il ne se limite pas, et de loin, à la matière. D’ailleurs, qu’est-ce que la matière ? En perdant l’Esprit, l’être humain se perd lui-même, et il s’enfonce dans des mécanismes destructeurs. Percevoir du monde et de l’homme leur dimension mystérieuse et sacrée, en pressentir le sens, conduit à de nouvelles pratiques dans tous les domaines de la vie… pour la vie.

Ce que j’écris n’engage que moi, je m’exprime sur ce blog en mon nom propre. Et si je cite une autre personne, même de manière extensive, cela ne signifie pas que j’approuverais tout ce qu’elle aurait pu dire ou faire au cours de sa vie.

Mon parcours en quelques mots

1962 Naissance et enfance, études primaires et secondaires à Bruxelles, engagement dans le mouvement de la non-violence et de l’écologie, une année d’études à l’Institut Lumen Vitae.

1981-85 Licence de sociologie et d’anthropologie à Louvain-la-neuve (Belgique). Mémoire de fin d’études sur la cosmologie des Indiens du Sud du Pérou.

1988-89 Travail social au Pérou dans le cadre de la théologie de la libération, de retour en Belgique, différentes expériences comme enseignante dans le secondaire : géographie, sciences sociales, religion.

1990 à 1999 Participation à la fondation de la Libre école Rudolf Steiner à Court-Saint-Étienne – La Ferme blanche – (Belgique), formation d’une année à la pédagogie Steiner à Stuttgart ; pendant cinq ans, enseignement dans les classes primaires à l’école de la Ferme blanche.

Depuis 2003 Active en tant que prêtre dans le mouvement « La communauté des chrétiens » à Colmar, à Stuttgart ; depuis 2017 en Suisse romande.

Mariée, deux enfants adultes, trois petits-enfants.

Un peu plus en détails

(En construction)

NON-VIOLENCE, ÉCOLOGIE ET PACIFISME

L’année de mes 18 ans, en plus de mes études, je participais aussi aux activités du Centre Gandhi à Bruxelles. Au seuil de l’âge adulte, je cherchais comment apporter ma petite pierre pour construire un monde meilleur : la vision de Gandhi, sur lequel j’avais fait mon travail de fin de lycée, rassemblait différentes approches qui me semblaient pertinentes : écologie, décroissance, non-violence et une spiritualité ouverte, ancrée dans la vie concrète.

Le « centre » Gandhi était en fait constitué avant tout d’une seule personne : Georges Papadimitriou-Demaître, journaliste indépendant. Cet homme énergique et original parvenait à rassembler autour de lui quelques personnes qui voulaient se lier à la pensée de Gandhi et de l’Arche de Lanza del Vasto – qui avait amené cette impulsion en Europe en fondant des communautés autarciques, sur le modèle des ashrams de Gandhi. J’ai ainsi pu me lier à ces idées et ces pratiques, à une époque où elles étaient encore relativement marginales.

Je trouvais par moments que Georges était un peu trop extrémiste, il avait des idées arrêtées sur tout. Mais grâce à lui, j’ai pu rencontrer des personnes passionnantes et élargir mon horizon. Cette année était celle des grandes manifestations contre la prolifération des armes nucléaires en plusieurs grandes villes d’Europe. Nous y avons bien entendu rejoint la centaine de milliers de personnes venue d’Europe pour manifester devant le siège de l’OTAN à Bruxelles.

Un jour, nous avons reçu des moines boudhistes. Ces quatre petits hommes à la tête rasée, vêtus de rouge et orange, étaient en pèlerinage à pied autour du monde pour porter un message de paix. Nous les avions tout d’abord accompagnés jusqu’à la maison communale de Boitsfort (Bruxelles) où ils avaient rendez-vous avec des autorités communales. De retour au centre Gandhi, curieux et enjoués, ils avaient grand plaisir à écouter quelques disques qu’ils plaçaient sur le tourne-disques. J’avais remarqué qu’ils portaient de grands colliers de perles de bois colorées. Surmontant ma timidité, j’ai osé leur demander respectueusement la signification de ces colliers. J’espérais recevoir une réponse très profonde. « Et bien, m’a répondu l’un d’eux, nous étions sur un marché en Espagne, et nous les avons trouvé jolis, alors nous en avons acheté pour chacun d’entre nous ». J’ai compris que ces moines, qui pourtant passaient beaucoup de temps à la méditation, avaient en même temps les pieds sur terre et ne manquaient pas d’humour… Cela m’a beaucoup plu.

L’autre rencontre en lien avec le Centre Gandhi, encore plus marquante, a été celle avec Jean Goss. Ce Lyonnais de famille syndicaliste et communiste, avait vécu une conversion une nuit de Pâques pendant la guerre. Suite à cette rencontre avec celui qu’il reconnut comme le Christ, sa vie avait radicalement changé, il devint un apôtre de la non-violence. Il était rayonnant : son feu et la force de sa conviction me faisaient penser à Paul de Tarse. Avec sa femme, avocate, il voyageait dans le monde entier, y compris dans les pays où ils risquaient une arrestation comme, à l’époque, la Pologne et Israël. Ils y animaient des séminaires sur la paix et la non-violence. Il lui arriva de fait d’être arrêté et d’être torturé. Dans son livre « Technique de la non-violence », Lanza del Vasto raconte une histoire qui s’est passée pendant la guerre dans un camp de prisonniers en Allemagne. En note, il précise qu’il tient cette histoire de son ami Jean Goss, dont il pense qu’il en était, en fait, le protagoniste. Voici ce récit : « Un garde, soldat allemand s’amusait, lorsque les prisonniers rentraient harassés le soir de leur travail, à leur donner des coups de trique, sans aucune raison. Un jour l’un des prisonniers se plaça résolument devant lui, en disant : « S’il vous faut chaque jour frapper quelqu’un, ce soir frappez-moi ».  Le soldat, interloqué, commence par lui répondre : « Et combien de coups veux-tu recevoir, petit français ? Autant que votre conscience vous le dira », répond le prisonnier. Interloqué, le soldat resta en silence, les yeux pleins de larmes. Depuis ce jour, il ne frappa plus aucun prisonnier. « 

Le centre Gandhi était en lien étroit avec les Communautés de l’Arche de Lanza del Vasto, mort cette année-là. Je m’étais jointe au groupe des « Amis de l’Arche » qui se réunissait au Centre Gandhi un soir par semaine. Nous commençions par quelques exercices corporels proches du yoga : détente, posture juste, respiration consciente, etc. Puis nous approfondissions un thème et nous échangions les nouvelles. Pendant ce temps, chacun pratiquait un travail manuel : filer et carder la laine, etc. J’ai retrouvé cette habitude de toujours occuper ses mains par un travail créatif chez les Indiens du Pérou, quelques années plus tard.

À la fin de cette année où j’avais fréquenté le Centre Gandhi, ayant terminé ma (courte) formation théologique me permettant d’enseigner la religion (catholique), je me demandais dans quelle direction poursuivre. J’avais pensé quelques fois aller vivre à l’Arche de Lanza del Vasto. D’un côté, la cohérence et l’esthétique de cette vie m’attiraient. Mais quelque chose me retenait … il ne me semblait pas que ce soit ma voie. Une pensée s’imposait, et je sentais qu’elle venait de très loin, de très profond : « Je veux vivre dans le monde tel qu’il est, le monde actuel, avec tout ce que cela signifie. » En rejoignant à l’époque une de ces communautés, j’aurais eu l’impression de m’isoler dans un monde à part. Actuellement, voyant à quel point les problèmes, qui apparaissaient déjà clairement à l’époque, s’accentuent toujours plus, je me dis que ces communautés ne sont pas tellement « en dehors » du monde, mais qu’elles apportent au contraire une solution à bien des niveaux.

À la fin de cette même année, je remis aussi en question le végétarisme, vu de manière absolue. Après l’avoir pratiqué pendant un an, j’avais réalisé que je ne voulais pas en faire une religion, ni même une priorité. Certes, je voulais aller dans cette direction pour contribuer au respect de la terre, autant que pour ma santé. Car pour moi, c’était aussi une question de justice, depuis que je savais que l’Europe fait venir à bas prix des céréales cultivées dans des pays du Sud pour nourrir ses propres animaux, empêchant des populations entières d’avoir accès aux meilleures terres. Donc, je voulais manger sainement, moins de viande et des aliments les plus biologiques possible, mais pas au point de ne plus pouvoir partager tout simplement un repas avec d’autres personnes qui n’avaient pas fait ce choix.

Comment j’entends parler d’anthroposophie

C’est au cours de cette année en lien avec le centre Gandhi que j’entendis parler pour la première fois d’anthroposophie. J’avais déjà rencontré le nom de Rudolf Steiner. Car depuis mes 14, 15 ans, bien que faisant activement partie du groupe des jeunes de ma paroisse catholique, je recherchais des ouvrages sur d’autres spiritualités, y compris des livres ésotériques. En plus de ma curiosité naturelle, quelque chose dans le catholicisme me manquait. Ce sentiment était assez vague, à l’époque, mais il était bien présent ; je m’y sentais comme à l’étroit. Récemment, j’ai réalisé que mon père devait y être pour quelque chose dans cette recherche. Car il avait mis entre mes mains le livre de Raymond Moody qui venait de paraître en français : « La vie après la vie ». Ce que ces personnes racontaient de leurs expériences de mort imminente me semblait tellement évident ! Ces lectures entraient en résonance avec mon propre vécu, celui de moments que je pourrais qualifier « d’effleurement » de la réalité spirituelle. Ces instants pouvaient être brefs, mais ils m’ont ouvert à l’expérience de l’infini et de l’éternité, et surtout à la présence de l’être divin infiniment bienveillant, que j’avais reconnu comme étant le Christ. J’étais donc « croyante », mais absolument pas au sens d’adhérer à des vérités que je ne comprends pas. La foi a toujours été pour moi une expérience, de l’ordre de la relation, de la confiance, à la fois toujours insaisissable et mystérieuse et suffisamment forte, pour que je « sache » que le monde ne se limite pas à ce que nos cinq sens nous permettent de percevoir. Cette confiance fondamentale n’exclut pas les douloureux moments de doute, l’impression de se trouver dans un monde obscur et froid, coupé de cette réalité lumineuse et vivante dont on a pu faire l’expérience en des « moments-étoile ».

Dans ma recherche spirituelle tous azimuts, j’avais donc commencé, dès 15, 16 ans, par emprunter quelques livres de spiritualité et d’ésotérisme dans les bibliothèques de mon quartier. Puis, élargissant mon exploration de la ville, je découvris des « vraies » librairies ésotériques. J’aimais alors partir seule à pied à travers Bruxelles, explorant ainsi des quartiers nouveaux aux atmosphères étranges, étonnée du peu de temps qu’il fallait pour couvrir un trajet qui, en tram ou en bus, semblait assez long. J’avais pris goût à la marche en ville lors de sorties avec des amis au centre de Bruxelles, quand, après nous être attardés dans les vieux cafés de la Mort subite ou La Bécasse, Il nous arrivait de manquer le dernier tram ; nous marchions alors pour revenir jusque chez nous dans la ville endormie. Lors de mes petites excursions solitaires vers de nouveaux quartiers de Bruxelles, j’étais notamment tombée sur deux ou trois librairies ésotériques. Monde étrange que ces boutiques aux odeur d’encens et de patchoulis ! Il s’y trouvaient beaucoup de livres bien sûr, mais aussi des boules de cristal, des tarots, des pendules et autres objets qui recèlent des mondes mystérieux, prometteurs et inquiétants à la fois. Sur les rayonnages de l’une de ces librairies, j’avais remarqué une série de petits livres, de même taille, en simili cuir rouge, bleu, vert, orangé, tous du même auteur : Rudolf Steiner. C’était la collection des éditions anthroposophiques romandes. Je savais en tout cas que Rudolf Steiner était un auteur prolifique, sans avoir encore ouvert aucun de ses livres.

Quant aux livres ésotériques, tels que ceux de Lobsang Rampa, ou « La vie des maîtres », j’ai fait plusieurs fois une même expérience. Au moment de la lecture, un monde nouveau s’ouvrait, plein de promesse, lumineux et facile. Puis, quand je refermais le livre, je ne trouvais plus le lien entre ce que j’avais lu et ma réalité concrète, il me semblait que ce n’étaient que des illusions. J’ai aussi visité avec des amis un centre tibétain, pratiqué du yoga le temps d’un séminaire, etc., sans jamais avoir le désir d’aller plus loin. Peut-être parce que les questions liées à la paix, l’écologie et la justice sociale étaient plus au centre de mes préoccupations.

Un jour, entendant Georges Papadimitriou parler de Rudolf Steiner, je lui ai demandé ce qu’il en pensait : « Très très difficile, très intéressant, mais tellement complexe que cela peut être inabordable ». J’avais aussi, dans le même contexte, entendu parler des écoles Steiner et de l’agriculture biodynamique. Puisque je recherchais des aliments biologiques et du pain complet au levain, je fréquentais dans mon quartier une petite boutique qui s’appelait « La fleur bleue ». On y vendait quelques produits provenant directement d’une ferme biodynamique proche de Bruxelles : du fromage (sans étiquette), du pain frais, des pommes (non calibrées). Sur les carottes, les poireaux et la salade, il y avait même de la terre… Je faisais connaissance avec le véritable « bio ». Car il y avait aussi dans mon quartier un autre « magasin diététique », qui vendait surtout une multitude de produits de beauté et d’additifs alimentaires. Cette boutique me laissait assez sceptique : en poussant la porte, j’avais le sentiment d’entrer dans l’antre de dames maniaques de leur bien-être personnel.

Dans un coin de « La fleur bleue », s’alignaient des livres de contes Gründ et des pastels de cire d’abeille Stockmar. Ce fut ma première perception de la pédagogie Waldorf-Steiner. Étant en recherche quant à la suite de mes études, je me suis posée la question d’une formation dans cette pédagogie dont j’ignorais tout, si ce n’est sa nuance « écologique ». On me donna dans ce magasin l’adresse d’une petite école Steiner à Bruxelles où je pourrais me renseigner. Curieusement, elle se trouvait justement à une centaine de mètres de l’Institut où j’achevais mon année de formation. Je sonnai donc un jour, en fin de journée. On m’ouvrit, me disant que je pouvais attendre un moment, que quelqu’un allait répondre à mes questions. Je me souviens d’une ancienne maison bourgeoise défraîchie, d’enfants déboulant à toute vitesse dans les escaliers poussiéreux, en bousculant tout sur leur passage. La personne qui m’accorda quelques minutes me dit qu’il fallait, pour devenir enseignant de cette pédagogie, partir soit en Allemagne, soit en Angleterre, mais que j’étais trop jeune encore. De toutes façons, l’impression générale de chaos, le contact froid avec cette personne, tout cela ne m’avait pas donné le désir d’aller plus loin. J’ai refermé la porte de l’école Steiner pendant plus de dix ans.

Premier voyage au Pérou

À la fin de cette année pleine d’activités diverses – car en plus de mes cours et des activités au centre Gandhi, je pratiquais la sculpture sur bois et le tissage – , je suis partie au Pérou pour la première fois. C’était en été 1981. Mes études théologiques à Lumen Vitae m’avaient mise en contact avec des personnes du monde entier, en particulier d’Afrique et d’Amérique latine. Chacun m’invitait dans son pays. Je choisis le Pérou qui, depuis l’enfance, était l’un des pays qui m’attirait. Pendant quelques semaines, j’appris l’espagnol pendant mes trajets à pied, dans le tram et dans les files d’attentes… j’avais toujours ma méthode Assimil en mains. En juillet, je travaillai dans une colonie de vacances sur la côte belge, ce qui me permit de payer le vol. Le mois suivant, j’étais au Pérou pour cinq semaines, qui m’ont paru une année. 

Il y eut tout d’abord la découverte brutale de Lima, ce désert au bord de l’Atlantique ; une ville de béton, de trottoirs défoncés aux ordures de fruits pourris et d’urine, avec très peu de végétation et une circulation anarchique. Partout, même la nuit, des gens, des vendeurs ambulants qui tendent des cigarettes à la pièce ou des chewing-gums américains – les mêmes petites boîtes de carton jaune que j’avais connues dans mon enfance. Nous étions quatre jeunes belges à voyager ensemble, accueillis à Lima par une liménienne de notre âge. Cécilia nous emmena dès les premiers jours dans la voiture américaine de son père médecin. Elle voulait nous montrer ce qu’il y avait, à ses yeux, de mieux à Lima. Durant des kilomètres, nous avons longé des montagnes couvertes de bidonvilles secs et misérables pour atteindre son but : l’un de ces parcs de loisirs entourés de hauts murs, gardés par une milice privée, avec piscines, végétation luxuriante, cours de tennis … Un tel luxe, après avoir perçu toute cette misère, j’en étais littéralement écoeurée. Pendant plusieurs jours, je n’ai pu avaler que quelques fruits, en particulier les délicieuses mandarines et les petites bananes parfumées. 

Pour rejoindre notre ami Quino à Cuzco, il y eut ensuite les journées interminables de bus, puis de train. En franchissant de nuit les hauts cols des Andes (5000 mètres), couchée par terre dans le train avec le sac à dos comme oreiller, j’ai connu pour la première fois le « soroche », le mal des montagnes. Au petit matin, le train s’est arrêté à Juliaca, près de Puno. Tout était tellement différent ! J’avais le sentiment d’être enfin arrivée dans « le vrai Pérou ».  Ce que je voyais – les Indiens au teint cuivré, les femmes vêtues de jupes colorées -, tout cela correspondait à certaines des images que je me m’étais faite du pays. Mais il y avait, en plus, les odeurs inconnues, un froid piquant, l’agitation de la gare, les vendeurs ambulants et la crainte permanente des voleurs. Ensuite, nous avons pris le train mythique qui traverse l’Altiplano pour rejoindre Cuzco. Ce plateau qui s’étend à 3000, 4000 mètres d’altitude me semblait un désert à la fois inhospitalier et sublime. Pourtant, de ce désert, dès que le train s’arrêtait, surgissaient de nulle part des enfants, des femmes et des hommes qui vendaient aux voyageurs des boissons chaudes et de quoi manger. En contemplant ces étendues d’herbe sèche et ces personnes qui y vivaient, une question me hantait : « Qu’est-ce qui donne à tous ces gens le courage de se lever chaque jour ? Quel sens donnent-ils à leur vie ? » En fait, cette même question m’habitait en regardant autour de moi dans le métro, que ce soit à Bruxelles ou à Paris.

Sur le chemin de l’Inca (Pérou), à 22 ans

Les quelques semaines à Cuzco furent une plongée dans la réalité quotidienne du Pérou. Grâce à notre ami Quino, nous avions pu, en peu de temps, rencontrer un certain nombre de jeunes de la région. La dernière semaine du voyage, je ne pouvais plus marcher dans les rues de Cuzco sans rencontrer l’une ou l’autre connaissance. Car selon mon habitude, j’entreprenais dès que possible de longues marches à pied, seule à travers la ville ou la campagne. Ceci, avec une bonne dose d’inconscience, je dois l’avouer. Mais il ne m’est jamais rien arrivé de fâcheux non plus. J’eus donc très vite l’impression d’être chez moi à Cuzco. Pour reposer mon système digestif des festins de viande grillée et des plats pimentés chez mes amis, je fréquentais volontiers le repaire des baba-cool chevelus et barbus, un restaurant végétarien où on pouvait boire de délicieux Lassis. Le voyage vers le Macchu Picchu fut magique : j’avais beau en avoir vu des photos, me trouver dans ce site vertigineux fut très impressionnant.

Visite aux enfants d’une école de village, proche de Cuzco
Études de sociologie

De retour en Belgique, j’entrepris une licence en sociologie. Ma motivation venait de la question que je portais depuis l’adolescence : comment puis-je contribuer à une évolution positive de la société ? Pour cela, il fallait d’abord mieux comprendre comment fonctionne la société…

La plupart des cours de ma faculté (Sciences politiques, économiques et sociales) m’intéressaient, tant les questions de méthode que les contenus. Je me plongeai volontiers dans le positivisme d’Auguste Comte – suite logique des cours de physique et de mathématiques que j’avais suivis de manière intensive lors de mes années de lycée. Je me souviens en particulier d’un cours d’histoire économique : le professeur, malgré sa timidité, parvenait à décrire de manière passionnante les grands mouvements économiques qui ont préparé peu à peu la mondialisation, par l’exemple l’introduction de la pomme de terre en Europe. Je me régalais, dans les cours de sociologie, à exercer l’esprit critique qui remet tout en doute. J’appréciais aussi beaucoup la rigueur du Droit.

À force d’étudier Marx et Freud – j’avais déjà suivi plusieurs cours à leur propos lors de mes études antérieures -, je m’étais décidée à ne pas entretenir activement ma foi chrétienne. Je pris au sérieux leurs idées, en particulier celle que ma foi n’était peut-être que le résultat d’un « conditionnement ».

Je suivis aussi un cours de russe. J’avais envie de visiter la Russie, traverser le « rideau de fer » et pénétrer dans ces régions mystérieuses. Car chaque jour de mon enfance et de mon adolescence, pour aller à l’école, il m’avait fallu contourner, une fois par un côté, une fois par un autre, la propriété de l’Ambassade de Russie à Bruxelles qui jouxtait le jardin de ma propre école. Regardant au-dessus des murs, et à travers les hautes grilles, j’essayais chaque jour de déchiffrer ce qui s’y passait. Je savais qu’il s’y trouvait aussi une école, car je voyais parfois de grandes limousines noires qui y déposaient des enfants. Notre professeur était une vraie Russe, elle nous donnait force détails de la vie quotidienne à Moscou et nous faisait répéter les interminables déclinaisons que j’ai complètement oubliées. Mais j’adorais l’entendre parler le russe, cette langue claire comme le cristal.

Le seul cours avec lequel je n’ai pu me lier au cours de ces études de sociologie était celui d’économie. La raison est que ne pouvais accepter le postulat, le point de départ selon lequel l’être humain cherche toujours à « maximiser son profit »… Bien sûr, je savais en regardant autour de moi que nous agissons le plus souvent en vue de notre profit, mais je ne pouvais me résoudre à réduire l’homme à ce seul trait. De ce fait, je ne pouvais me lier ni aux raisonnements ni aux petits schémas, pourtant assez simples à ce stade, qui en découlaient. 

Au cours de ces années, je remarquais que les personnes qui ont pu transformer positivement le monde puisaient le plus souvent leurs forces dans une vie spirituelle bien ancrée, quelle que soit leur religion. Par ce constat, j’étais renvoyée à ma recherche spirituelle personnelle que j’avais laissée en plan, me laissant entraîner dans le doute ambiant. J’étais encore liée à des amis chrétiens de la mouvance œcuménique (Taizé), catholique ouverte, « sociale ». Mais il m’y manquait toujours ce « quelque chose »… Je ne trouvais pas le pont entre ma foi qui, malgré que je m’étais autorisée à la laisser tomber, restait bien ancrée en moi, et la pensée scientifique, à laquelle je tenais tout autant. 

Comment donc comprendre la dimension invisible de la réalité, qui était pour moi une expérience ? Comment embrasser à la fois la dimension matérielle et la dimension spirituelle sans perdre la raison ? Autrement dit, je ne pouvais me résoudre à accepter le fossé décrété entre science et religion. Ce n’était pas un jeu philosophique gratuit, mais une question existentielle. Je ne pouvais vivre, trouver un sens à l’existence, sans la possibilité d’avancer vers une compréhension cohérente de l’homme et du monde qui intègre ces deux parts dont je faisais l’expérience.

Mes études de sociologie se sont achevées par la rédaction d’un mémoire sur la cosmologie des Indiens du Sud du Pérou. Par mes contacts dans ce pays, avec quelques étudiants et un professeur de ma faculté de sociologie, nous avions fondé un « Comité de défense des droits de l’homme au Pérou ». C’était l’époque où Sentier lumineux, la guerrilla maoïste très violente, tentait de gagner du terrain dans les montagnes. Les paysans, terrorisés, se faisaient massacrer, tant par la guérilla que par l’armée. Les personnes qui dénonçaient ces violences de part et d’autre étaient également menacées. De telles personnes qui nous envoyaient chaque semaine des coupures de presse de journaux du Pérou, que nous traduisions, pour les diffuser au moyen d’un petit journal, envoyé aux adhérents de notre association en Belgique. C’est dans le cadre de ce travail que j’ai fait mon second voyage au Pérou. Cette fois, nous sommes partis à quelques-uns, rencontrer des militants des droits de l’hommes, pénétrant dans des régions à risque.  En même temps, j’interrogeais des personnes en vue de mon mémoire de sociologie. En revenant de ce deuxième voyage au Pérou, alors que j’entamais ma dernière année d’études de sociologie, je me liai à mon mari, mathématicien, lui aussi préoccupé par les questions de justice sociale, qui avait voyagé die son côté en l’Amérique latine. 

Avec les données récoltées lors de mon voyage, je commençais à rédiger mon mémoire de fin d’étude. J’avais choisi comme directeur de mémoire le professeur avec lequel nous avions fondé le Comité de défense des droits de l’homme au Pérou, François Houtard. Dès le début de notre collaboration, j’ai pu remarquer plus concrètement ce que signifie une « lecture marxiste ». Car ce professeur de sociologie était un prêtre dominicain et résolument marxiste – en Belgique, à l’époque, un certain nombre de prêtres catholiques étaient engagés socialement. Je voulais baser mon mémoire sur une analyse de textes retranscris immédiatement de la tradition orale d’Indiens de Sicuani, un village proche de Cuzco dans lequel j’avais séjourné lors de mon voyage. Ces textes, sortes de mythes actualisés, permettaient d’entrer dans la vision du monde des Indiens. Mon directeur de mémoire me soumit une grille de lecture comme base d’analyse, basée sur quelques concepts : « dominés-dominants ; « mécanismes d’injustice », etc. Bien que moi-même orientée sur les questions de justice, cette lecture me semblait complètement biaisée. Au lieu de laisser parler les textes, les écouter sans prévention en me laissant surprendre, j’aurais juste dû les interpréter, réduisant toute cette richesse symbolique en quelques concepts préétablis, issus de notre culture ! Malgré ma sympathie pour ce professeur et sa déception, je ne pouvais accepter un tel réductionnisme ! C’est ainsi que je me suis tournée vers un professeur d’anthropologie, Doutreloux, avec lequel la collaboration a été très positive. L’approche anthropologique, plus précisément l’analyse structurale, était bien plus adaptée à un tel thème.

En juin 1986, j’avais fini mes études, y compris une agrégation qui me permettait d’enseigner en collège, lycée et dans l’enseignement supérieur. Je donnais déjà quelques cours de religion et sciences sociales dans des classes de collège et lycée.

Travail social au Pérou

En automne 1986, mon mari et moi décidions d’aller vivre au Pérou, dans la région de Puno. L’idée était d’y rester trois ans, voire six. Nous voulions rejoindre une équipe qui travaillait avec des paysans indiens, dans le sens de la Théologie de la libération . Le but de ce travail était assez ouvert, il s’agissait principalement d’aider les paysans à défendre leurs droits et à s’organiser eux-même pour améliorer leurs conditions de vie. 

Peu après notre décision de partir, notre fils s’est annoncé. C’est donc un an plus tard que nous avons pris avec lui l’avion pour le Pérou. Il avait trois mois… Sur place, il était constamment avec nous. Il passait volontiers de bras en bras, éveillant beaucoup de sympathie. Nous avons peu à peu pris pied à Puno, avec le but de travailler sur l’île d’Amantani. Proche des Indiens, j’apprenais à connaître plus concrètement leurs pratiques, tout ce qui découlait de leur cosmologie que j’avais approchée lors de mes études. C’était passionnant. Sachant que leur sagesse était en train de disparaître, j’avais à cœur de valoriser leur culture, y compris leur artisanat.

L’île d’Amantani
Sur l’île de Taquile

Notre première action fut d’informer les habitants de l’île d’Amantani à propos de contrats de travail qui leur étaient proposés. Vivant sur une île, leur problème principal était le manque de terres cultivables. Les hommes devaient donc partir pour essayer de trouver d’autres sources de revenus. Au moment où nous sommes arrivés, des « ingenieros » parcouraient les Andes pour tenter d’y embaucher des paysans pour un travail de recherche d’or dans des rivières d’Amazonie. Ils faisaient miroiter un bon salaire, alors que sur place, la réalité de ces travailleurs évidemment était tout autre. Leur contrat comprenait un aller simple par avion vers ces camps de travail en région tropicale. Là, ils vivaient dans des conditions d’extrême dénuement, auxquelles s’ajoutaient les maladies dues à un climat auquel ces montagnards n’étaient pas habitués. Affaiblis ou malades, ils s’endettaient avec les frais de médicaments, et ne pouvaient pas revenir chez eux. Nous avions donc commencé par décrire cette situation concrète dans les six villages de l’île, pour que les hommes puissent prendre leur décision en connaissance de cause. Ensuite, sur des bases légales, juridiques, nous avons participé à élaborer un projet d’appropriation de terres situées sur les côtes proches du Lac Titicaca, vers lesquelles ils pouvaient se rendre en bateau à partir de l’île.

Sur l’île d’Amantani, je goûtais le silence unique et la lumière pure des hautes altitudes, la vue du lac Titicaca immense et limpide, bordé par la chaîne toujours enneigée de l’Inti Illimani. De temps en temps, émergeait en moi une question, qui était en même temps un pressentiment : il doit quand même aussi exister une sagesse comparable à celle des Indiens, mais occidentale, européenne – et actuelle … ?  

Offrandes des prémices à la Pachamama (janvier 1989)

Lors d’une fête religieuse, à Azangaro, dans la région de Puno. La tension due à la présence de terroristes (Sentier lumineux) était palpable.

Prière à la Pachamama avant d’entamer un chantier communautaire de construction d’une maison.

Au bout d’un an, alors que le travail commençait vraiment, notre fille s’est annoncée. J’étais enceinte à 4000 mètres d’altitude et je me sentais soudain très oppressée. Un médecin nous dit que du fait de l’altitude, il y avait de sérieux risques cardiaques et respiratoires, tant pour l’enfant que pour moi. Il nous fallait choisir entre notre engagement social et la famille… Estimant que la santé de nos enfants était notre première responsabilité, nous avons décidé de revenir en Belgique – car descendre simplement à Lima n’avais pas beaucoup de sens, cela nous obligeait de toutes façons à interrompre notre projet. 

Dès l’atterrissage à Lima, j’allais effectivement beaucoup mieux, physiquement. Mais de retour en Belgique, nous étions désorientés, avec un sentiment amer de « retour à la case départ ». Nous nous sentions tellement à notre place dans cette vie au Pérou ! D’autre part, comment nous plaindre, après ce que nous avions perçu des conditions de vie des Indiens et face à la joie de la naissance d’un deuxième enfant ? Heureusement, mon mari avait retrouvé la place qu’il avait quittée pour partir, à l’Université de Louvain-la-neuve. Notre fille est née, et nous avons acheté une maison à Court-Saint-Étienne, près de Louvain-la-Neuve. Nous n’aurions pas pu retourner au Pérou. Car entretemps, la violence avait encore augmenté dans les campagnes. En particulier, deux volontaires européens, qui vivaient dans une situation semblable à la nôtre, avait été assassinés. L’association qui nous avait permis de partir ne nous aurait plus soutenus. Comme le dit alors notre grande amie et témoin de mariage : on ne comprend pas toujours sur le moment pourquoi un projet est contrarié, mais un jour, parfois après des années, on finit par le comprendre. Nous n’avons pas eu besoin de tellement d’années, en fait.

Un médecin « anthroposophe »

Une fois installés à Court-Saint-Étienne, nous avons cherché un médecin pour la famille, si possible homéopathe. Des amis nous donnèrent l’adresse d’un médecin anthroposophe en disant : « C’est la même chose que l’homéopathie, mais en mieux ». En plus de ce que j’avais appris à propos de l’anthroposophie lors de mon année au Centre Gandhi, nous avions entendu parler entretemps, en bien, de l’agriculture biodynamique et de la médecine anthroposophique. Un médecin homéopathe avait notamment dit qu’il estimait cette médecine « plus efficace que l’homéopathie, mais trop exigeante pour lui. » 

Nous n’avons donc pas hésité, d’autant plus que ce médecin exerçait près de chez nous. Et en effet, nous avons pu immédiatement constater l’efficacité de certains remèdes anthroposophiques sur notre fils et moi-même. Le Docteur Karier était un médecin de village comme on l’imagine : grande maison fleurie, salle d’attente remplie par des gens du coin et quelques autres qui venaient de plus loin, pour cette orientation médicale précise. 

Qui est ce SteineR ?

Constatant l’efficacité de cette médecine, j’ai voulu en savoir plus sur l’anthroposophie. Je suis retournée un jour dans l’une des librairies ésotériques de Bruxelles. Là, dans le rayonnage consacré à Rudolf Steiner, me laissant guider par mon intuition, j’ai choisi le petit livre « Comment acquérir des connaissances sur les mondes supérieurs ou l’Initiation ». Installée dans un fauteuil relax sous les grands hêtres au fond du jardin de mes parents, par un doux soleil d’automne, j’ai lu le livre d’une traite, sachant qu’il me faudrait bien entendu le relire pour le comprendre peu à peu dans toute sa portée.

Aujourd’hui, après plus de trente ans, l’ayant pourtant lu et relu, je ne peux toujours pas dire que je comprenne tout, et pour cause. Cependant, à première lecture, pour la première fois en lisant un livre « ésotérique », je pressentais un lien entre ma vie et ce qui y était écrit. Rien de facile, aucune promesse miroitante, juste des concepts, des propositions d’exercices spirituels et des descriptions d’une très grande profondeur, et le ressenti que le tout est sous-tendu par une moralité profonde. Je réalisai alors que j’avais déjà lu un livre de Steiner, donné par ma sœur, « Théosophie du Rose-croix ». Mais il ne m’avait pas semblé très différent des autres livres ésotériques. Avec celui-ci, une porte nouvelle s’ouvrait… celle ce que je cherchais depuis si longtemps ? La possibilité de réconcilier la raison et l’expérience intérieure ? Avant d’en juger, il me fallait d’abord en apprendre plus. Car, comme je l’avais entendu plusieurs fois, cette pensée est d’une grande complexité.

Chaque soir, quand les enfants étaient couchés, je me mis à dévorer d’autres livres de Steiner, notamment son autobiographie. Car il m’intriguait : qui était-il ? D’où tirait-t-il autant de connaissances, dans des domaines aussi divers ? Incontestablement, il devait être l’un de ces génies universels tels que Léonard de Vinci ou Goethe… D’un côté donc, j’étais abasourdie, parfois jusqu’à écœurement, par l’étendue de ses connaissances. De l’autre côté, certaines de ses idées me semblaient évidentes, un peu comme si je les connaissais déjà, tout en étant pourtant incapable de les formuler moi-même. D’autres concepts me paraissaient malgré tout étranges, mais j’avais aussi bien intégré ce que Steiner répétait fréquemment : « Surtout, je croyez pas ce que je dis. Mettez-le à l’épreuve de votre expérience et de votre bon sens ». Ce conseil me convenait parfaitement, c’est l’essence de toute recherche honnête : laisser vivre les questions comme des hypothèses, sans vouloir aussitôt juger et conclure. Après trente ans, j’en suis encore là, en fait. Je prends les résultats des recherches de Steiner comme des hypothèses que je mets à l’épreuve de mon expérience et de mon bon sens. Depuis, le monde s’est tellement ouvert, tellement enrichi !

Coup de foudre pour l’école Waldorf-Steiner

Voici qu’un jour, notre médecin nous annonce qu’il va déménager au Luxembourg, pour que ses enfants aillent dans une école Steiner. Nous étions très surpris : ce médecin est apprécié, il a une clientèle nombreuse dans la région, et il déménage à cause de l’école de ses enfants ? Mon mari et moi étions déjà intéressés par les pédagogies nouvelles, ayant fait certaines expériences dans ce domaine au cours de nos études : O’Neill, Freinet, pédagogie du projet, etc. Mais déménager et quitter ses patients pour cette raison… ? 

Avec cette question, nous nous sommes inscrits à une journée de travail sur la pédagogie, organisée par l’école Steiner de Leuven. Le coordinateur de la Section pédagogique anthroposophique, Heinz Zimmermann, avait été invité pour y animer une journée de travail avec des parents et des professeurs. Sa conférence du matin était claire et intéressante. Mais ce qui nous a sidérés ce jour-là, c’était l’atmosphère qui se dégageait du local du Jardin d’enfants dans lequel avait lieu notre groupe d’échange. Jamais nous n’aurions imaginé qu’un local de maternelle puisse être si beau ! À la fois simple et chaleureux, avec des jouets en bois, des poupées en tissu, des voiles de couleur rosée qui formaient des petites maisons ; tellement de douceur lumineuse, dont nous ressentions qu’elle correspond aux besoins de jeunes enfants. Dans cette école régnait une atmosphère joyeuse, pleine de vie et de goût. Notre fils commençait alors à fréquenter la classe maternelle de notre village. Nous appréciions beaucoup sa maîtresse. Mais ce que nous commencions à découvrir dans cette école ne souffrait aucune comparaison. Nous avons eu littéralement le coup de foudre, confirmé par tout ce que nous avons appris par la suite à propos de cette pédagogie. Nous voulions une telle école pour nos enfants… pas seulement pour eux, mais aussi pour d’autres, en tant qu’enseignants.

Sur le plan des idées, il y aurait tellement à dire ! Il y a d’abord le fait que l’on donne le temps à chaque enfant de grandir à son rythme. Les petits ont besoin de jouer, et d’apprendre par l’imitation. Les apprentissages plus abstraits leur demandent beaucoup de forces, les mêmes que celles qui leur permettent de grandir. Ils ne sont donnés que progressivement, en respectant le rythme de chacun, par des images et de manière artistique. Les enfants « plus lents » ne seront pas perdus, une fois adultes. Au contraire, si leurs parents et enseignants leur ont laissé le temps de grandir et d’apprendre sans les stresser, ils pourront montrer des qualités de profondeur et d’imagination essentielles pour apporter quelque chose nouveau dans le monde, dans quelque domaine que ce soit. En fait, tout enfant n’a qu’une envie : découvrir le monde, apprendre, expérimenter. L’école, habituellement, en les soumettant à un stress inutile, éteint trop souvent cette envie naturelle de l’enfant. La pédagogie Steiner respecte les étapes, données d’ailleurs par d’autres pédagogues comme Piaget, qui a démontré qu’il ne sert à rien d’apporter certains concepts avant certains seuils de maturité.

Atelier de lutherie à l’école Steiner Uhlandshöhe de Stuttgart. Les enfants des classes secondaires peuvent y réaliser un instrument de musique, accompagnés par un luthier professionnel.

L’orchestre de cette même école, lors d’une fête en 2001

Dans les activités d’apprentissage, à partir de 7 ans, on veille à un équilibre entre matières intellectuelles, artistiques et manuelles. Un enfant se développe autant en apprenant à jouer d’un instrument de musique – cela demande beaucoup de persévérance et de rigueur – qu’en faisant du calcul. Notre expérience, celle que nous avons faite avec nos propres enfants nous prouve que cette pédagogie prépare très bien les jeunes à la vie, une fois sortis de l’école. Sur le plan des résultats scolaires, au bac par exemple, les moyennes de résultats de ces élèves sont les mêmes que dans toutes les autres écoles. Mais sur le plan humain, on remarque qu’il sont plus ouverts, créatifs, plus confiants dans la vie et plus indépendants dans leur pensée.

Une vue du jardin de cette école, cultivé notamment avec les enfants des classes de différents âges
– c’est aussi le tout premier jardin cultivé en biodynamie.

En arrière-plan de la pédagogie Steiner-Waldorf, il y a une vision spirituelle de l’homme et du monde. Ceci est énoncé par certains comme une critique, pourquoi ? Ces détracteurs n’ont décidément jamais étudié un minimum de sociologie… Car derrière CHAQUE pédagogie il y a une certaine vision du monde et de l’homme. Et toute vision est « spirituelle », même si elle ne voit que le côté matérialiste du monde. Le problème, c’est que cela est oublié quand il s’agit de la vision dominante. Ceux qui font cette critique devraient tout d’abord étudier sérieusement la vision implicite transmise par les écoles d’État. Ensuite, s’il sont des chercheurs honnêtes, ils devraient approfondir ce qu’est réellement l’anthroposophie, au lieu de croire sur parole tel individu isolé qui en fait un épouvantail de pacotille. Non seulement comprendre ce qu’elle est vraiment, mais aussi la manière très différenciée dont ceux qui se reconnaissent comme anthroposophes peuvent s’y lier. Car beaucoup de personnes sont incapables d’imaginer que l’on puisse se lier à une vision spiritualiste en toute liberté. Est-ce parce qu’ils ont eux-mêmes grandi dans le catholicisme qui impose un Credo, compris parfois au sens de « croire en des choses que l’on ne comprend pas » ? Ou parce qu’il sont eux-mêmes, sans même le réaliser, les « adeptes » d’une religion scientiste matérialiste ? Je ne sais. L’anthroposophie n’est pas un ensemble de contenus à prendre ou à laisser : c’est plutôt un ensemble de propositions, qui permet à chacun d’avancer dans la connaissance du monde, une connaissance toujours plus vaste, qui inclut aussi la dimension qui dépasse de loin l’apparence physique et matérielle, ce que l’on peut appeler l’esprit ou l’âme des êtres vivants. En ce sens, on peut parler de vision « spiritualiste ». Dans cette exploration, chacun avance à son rythme, pratique librement des exercices de concentration et de méditation pour élargir sa perception subtile, explore des idées, notamment celles apportés par Steiner, en les mettant à l’épreuve de son expérience, de son sens logique, bref de sa propre pensée.

Cela dit, le fait de se tenir devant une classe avec une vision spiritualiste de l’homme et du monde change complètement la perspective d’un enseignant. Les enfants qui sont devant moi, je réalise qu’ils sont beaucoup plus grands que ce qu’ils me révèlent – même quand ils me donnent un peu de fil à retordre ! Si j’admets la vision de la réincarnation, je peux pressentir qu’ils ne sont pas une « page blanche », mais qu’ils ont déjà fait de nombreuses expériences et qu’ils vont peu à peu, en grandissant, révéler ce qui ils sont vraiment. En tant qu’enseignant ou parent, je me mets à leur service, je n’ai pas à essayer de les influencer quant à ce qu’ils veulent devenir. Ma tâche est de mettre en oeuvre tout ce qui est nécessaire pour les entourer afin qu’ils puissent grandir de la manière la plus saine et harmonieuse possible. Le reste, leur « projet de vie », c’est leur part de liberté sacrée, intouchable. L’éducation waldorf-Steiner n’a pas pour but de « formater » les enfants pour en faire de bons consommateurs, des citoyens ou des travailleurs soumis, elle doit au contraire les conduire vers la liberté.

Une autre absurdité que l’on entend actuellement (2021) à partir des dires d’une seule personne malintentionnée, Grégoire Perra : les enseignants Steiner laisseraient des enfants en harceler d’autres dans une classe sans intervenir, en invoquant qu’ils devraient « réaliser leur karma ». Quelle aberration ! Je ne peux évidemment affirmer qu’aucun enseignant n’aurait dit ou pratiqué cela un jour… Il existe malheureusement partout des profs incompétents, en pédagogie Steiner comme dans les écoles d’État ; de ces professeurs qui cherchent des fausses excuses à leurs manquements personnels ou même à leur perversité. Mais en tout cas, cette idée malsaine ne relève en rien de la pédagogie Waldorf en tant que telle. Rudolf Steiner lui-même s’insurgeait par rapport à une telle absurdité. Voici ce qu’il dit, s’adressant à un public suédois, critiquant les théosophes (désignation qui a précédé celle d’anthroposophes) qui estiment qu’il ne faudrait pas aider une personne qui souffre parce qu’elle devrait « accomplir son karma » :

« […]Ce sont ceux qui introduisent dans la théosophie un égoïsme intégral, un égoïsme supérieur, et qui, sans le dire à voix haute, n’en pensent et n’en ressentent pas moins que l’important, c’est le rachat karmique personnel ; tant pis pour le reste du monde : qu’il se débrouille ! Parler de compensation karmique leur suffit à ces théosophes. Mais avec cela, on n’a rien fait ! L’homme serait un être purement luciférien s’il ne pensait qu’à lui-même. Mais il est membre du monde entier : comment ne penserait-il pas au monde avec ab­négation ?[1]. »


[1] Rudolf Steiner, Le Christ et l’âme humaine, Éditions Triades p. 57.

Une aventure passionnante : la fondation de l’école de la Ferme Blanche

Nos enfants étaient encore petits quand nous avons découvert la pédagogie R. Steiner. Nos premiers contacts avec des groupes de personnes étudiant l’anthroposophie en Belgique nous ont fait retrouver d’anciens amis d’études, en particulier une famille ayant des enfants du même âge que les nôtres. Suite à deux jours d’approfondissement sur cette pédagogie, la question a surgi : pourquoi ne fonderions-nous pas une école Steiner dans notre propre région ?

C’est ainsi que, partant de zéro, nous nous sommes lancés dans cette aventure. Très vite, nous avons formé un petit groupe de parents, aidés d’un médecin qui avait déjà participé à la fondation d’écoles Steiner en Flandres. Son aide nous a été très précieuse. Il nous a aidés à structurer notre travail à partir des idées de Bernard Lievegoed, un  hollandais qui a travaillé dans le domaine de la gestion d’initiatives et d’entreprises. Tout l’enjeu était de trouver comment orienter une volonté commune : structurer les étapes pour prendre une décision à l’unanimité, travailler de manière collégiale – ou horizontale, comment donner toute sa place au niveau social, en apprenant par exemple à exprimer à temps des tensions personnelles pour prévenir les conflits, etc. Au moment même, immergés comme nous l’étions dans notre but, la fondation de cette école, je n’ai pas réalisé l’immense cadeau qui nous était donné, par le fait de pouvoir agir à partir de ces concepts sociologiques, en soi assez simples et très féconds en même temps.

Nous avons organisé des conférences, cherché un lieu, pris des contacts avec des personnes qui pourraient avoir un intérêt… puis, très vite, un petit Jardin d’enfants a commencé avec nos enfants, chez une jardinière d’enfants formée à cette pédagogie. La première année, elle accueillait sept enfants. L’année suivante, ils étaient 23, avec une autre institutrice maternelle. L’année suivante – nous avions acheté une ancienne ferme, grâce aux efforts financiers des parents intéressés-, tous s’y étaient mis pour travailler pendant l’été, afin d’y emménager dans des locaux chaleureux deux groupes de maternelle et les deux premières classes, au total 42 enfants. D’année en année, l’école a grandi, à la fois en nombre d’enfants et par ses locaux. Bien entendu, les rénovations de la ferme se sont faites dans le respect du style d’origine et avec des matériaux écologiques.

Cette petite école a d’emblée demandé et reçu des subventions de l’État, notre souci étant que chaque parent puisse offrir cette pédagogie à ses enfants, quels que soient ses moyens financiers. Il existait alors en Belgique francophone la possibilité de fonder une école de pédagogie alternative, tout en étant subventionnés, pour autant que l’on remplisse certaines conditions, en particulier une certaines croissance du nombre des élèves d’année en année, ce qui n’a pas été un problème pour nous, puisque la demande des parents était bien là. Un inspecteur de l’enseignement libre nous a énormément aidés pour traduire les concepts de la pédagogie Steiner, de sorte qu’ils puissent être compris de manière plus large, là aussi, c’était un travail passionnant.

Assez vite, d’autres inspecteurs ont commencé à  vouloir faire fermer l’école, pour le motif qu’elle aurait été une « secte ». Je me souviendrai toujours de ce jour où l’inspecteur qui cherchait à fermer notre école a débarqué, bien entendu sans prévenir, un matin d’école, accompagné de trois autres inspecteurs. Ils voulaient prouver notamment que le niveau scolaire des enfants était insuffisant. Ces mêmes inspecteurs avaient déjà menacé l’école de fermeture, prenant pour motif le fait que les enfants recevaient un cours de néerlandais dès la première primaire, ce qui n’était pas prévu dans les programmes officiels ! Mais cette fois, l’inspecteur qui nous avait aidé à fonder l’école nous avait défendu en disant au ministère : « Si vous fermez cette école pour ce motif, je vous indique toutes les écoles en Belgique francophone qui font la même chose, pour que vous ordonniez également leur fermeture ».

Le jour de cette deuxième offensive,  ces quatre inspecteurs sont entrés dans les classes, pendant les cours, ont pris des cahiers dans les cartables des enfants et fait passer des tests aux enfants. J’étais alors l’enseignante des enfants de la deuxième primaire, l’année où justement, comparé à d’autres écoles, la moyenne des enfants a effectivement un niveau de lecture moindre. Car c’est une des caractéristiques de la pédagogie Steiner : laisser aux enfants le temps pour les apprentissages plus abstraits, ne pas les stresser sans raison. L’expérience montre que par la suite, non seulement ils ont plus confiance en eux, mais en plus, que le « niveau » scolaire est largement rattrapé.

Bref, voilà qu’une inspectrice, débarque dans ma classe avec des feuilles pour faire un test de lecture. Je n’en menais pas large, bien entendu. Elle distribue ses feuilles aux enfants et passe dans les rangs silencieux, les enfants sagement penchés sur leur feuille. En passant, elle caresse la tête d’un garçon en lui disant : « C’est bien, mon lapin, continue ! ». Olivier, redressant la tête pour la regarder droit dans les yeux lui répond : « Je ne suis pas un lapin, je suis un enfant ! ». Ainsi, les différentes classes ont été « visées » par les inspecteurs, et des tests, soumis aux enfants.

Le soir, réunis avec les membres du conseil d’administration, nous étions atterrés. Qu’est-ce qui allait sortir de ces tests, de leur « enquête » ? Nous nous sommes aussitôt ressaisis, aidés notamment d’un parent qui était directeur d’école officielle. Nous avons constitué un dossier avec une série de questions adressées à l’instance supérieure de ces inspecteurs : qu’est-ce qui garantit l’aspect « scientifique » de ces test ? Un inspecteur n’a pas le droit de prendre quelque chose dans le cartable d’un enfant sans l’accord des parents, etc. Notre dossier était solide, juridiquement. Cet inspecteur a été muté dans une autre région et depuis lors, les rapports entre l’inspection et cette école ont été excellents.

Découverte d’un Camphill

Étant de passage en Suisse, je suis allée un jour rendre visite à un ami qui travaillaient dans un centre anthroposophique pour personnes handicapées, un Camphill au bord du Lac Léman, plus exactement à Saint-Prex. Cet ami me guida dans le village, au véritable sens du mot, dans lequel des enfants présentant différents handicaps habitent toute la semaine. Ils retournent dans leur famille les week-ends et le temps des vacances. Cette vie sur place leur permet d’entrer dans un rythme qui est, en soi, thérapeutique.

Parcourant avec lui ce village arboré, non loin du lac avec vue sur les montagnes, j’ai remarqué tout de suite qu’on y était loin des institutions aux bâtiments immenses et aux cuisines anonymes. Les enfants sont accueillis par des « parents de maison », deux adultes responsables tout au plus d’une dizaine ou une douzaine d’enfants. Les enfants vont à l’école sur place, pris en charge par petits groupes. L’enseignement qui leur est donné tient compte de leur âge. Car dans la perspective anthroposophique, une personne handicapée est tout aussi « complète » qu’une personne dite « normale ». Du fait que l’esprit éternel de cette personne n’a pas pu s’incarner de manière suffisamment équilibrée, son corps ne lui permet pas de développer suffisamment les facultés d’expression, de mouvement, de maîtrise des sentiments, etc, ceci avec toutes les nuances des handicaps physiques et mentaux. Mais leur esprit est présent. Suivant ce point de vue et l’idée que les enfants reçoivent profondément ce qui leur présenté, même s’ils ne peuvent pas le restituer, ils reçoivent à l’école année après année les contenus qui correspondent à leur maturité objective, c’est-à-dire leur âge.

En plus de l’enseignement scolaire qui, comme pour la pédagogie Steiner en général, donne autant de place aux matières manuelles et artistiques, qu’intellectuelles, les enfants peuvent bénéficier de thérapies, décidées avec le médecin lié à l’institution. D’une part il y a des thérapies telles que les massages rythmiques, les bains aux essences de plantes, mais aussi les thérapies artistiques par la peinture, le modelage, l’eurythmie, etc. Les enfants participent aussi, suivant leur âge, aux travaux de la ferme et aux ateliers. Les fêtes sont une autre composante essentielle de la vie d’un Campill, avec la musique (avec de vrais instruments), la danse, le théâtre, etc. Les fêtes de l’année retrouvent un sens profond par leur dimension spirituelle, en lien avec les rythmes de la nature : Noël (solstice d’hiver), Pâques (fête du Printemps et de la renaissance), Saint-Michel (fête des récoltes), etc.

L’ami qui me guidait était responsable de l’atelier de tissage. Nous montrant les métiers à tisser, les rouets, les laines de toutes couleurs, il nous dit que les ateliers ont pour but de réaliser des objets utiles et beaux à la fois. Comme dans les Campill accueillant des adultes, il ne s’agit jamais de faire de « l’occupationnel », mais de trouver comment une personne handicapée peut réellement contribuer à la vie du village par un travail qui a du sens.

En parlant avec cet ami, en découvrant l’atmosphère chaleureuse de ces maisons et des locaux de classe, de la ferme et de l’atelier, j’ai été émerveillée par un tel cadre de vie – qui n’était pas sans me rappeler l’atmosphère que j’avais pu connaître à l’Arche de Lanza del Vasto. Mais ce qui m’a encore plus impressionnée et touchée, c’était le très grand respect et l’attention bienveillante avec lequel les personnes handicapée, ici des enfants, sont considérées et entourées. J’ai pu voir, dans le concret comment le fait de tenir compte de la dimension spirituelle et éternelle de personnes, même dépendantes, influence directement et positivement la manière dont elles sont entourées.

Le temps passant, nous découvrions toujours plus le milieu anthroposophique, y compris certains travers. En particulier une tendance qui me déplaisait déjà tellement dans un certain milieu catholique : la bonne conscience et l’orgueil de faire partie des « purs », ceux qui ont « tout compris »… Cette tendance sectaire se retrouve dans beaucoup de milieux, elle est simplement humaine. Au total, depuis maintenant plus de trente ans, j’ai rencontré dans le milieu anthroposophique bien plus de personnes humbles, ouvertes et en recherche.

Un autre problème que nous avons rencontré assez tôt, heureusement très marginal, est celui de personnes qui perdent le sens des réalités et sont prises de délire mégalomaniaque, s’attribuant par exemple les incarnations antérieures le plus prestigieuses. Steiner lui-même critiquait ce qu’il qualifiait de « caricature de l’ésotérisme », racontant par exemple un jour, avec humour, que plusieurs femmes étaient déjà venues se confier à lui qu’elles étaient la réincarnation de Marie-Madeleine… Dans plusieurs conférences, il met en garde par rapport à de telles dérives, en développant comment et pourquoi un travail de méditation mené sans tenir compte de certaines lois comporte des risques. Pour les prévenir, il a notamment donné ce qui est appelé actuellement « les six exercices », qui doivent accompagner un chemin méditatif de manière quotidienne : la concentration de pensée, le développement de la volonté, l’égalité d’humeur, la positivité et l’absence de prévention (retenir les jugements et préjugés), et l’harmonisation de ces six exercices, ils sont rassemblés dans le petit ouvrage suivant : Les six exercices complémentaires.