Un homme attend au bord de l’eau. Cela fait tellement longtemps qu’il est paralysé, 38 ans ! Le temps qu’il faut pour devenir vraiment adulte et saisir pleinement son destin. Sous les portiques où se pressent les malades, il attend lui aussi que l’eau s’agite. On dit qu’alors, un ange vient, et que le premier qui entre dans l’eau est guéri. Parmi la foule, le Christ le voit. Il pose sur lui son regard plein de respect, ce regard qui distingue en chacun ce qu’il a de plus grand et d’unique. Il lui demande s’il veut guérir, l’écoute parler de son désarroi, de ce que personne ne soit là pour l’aider au moment opportun, pour qu’il puisse être le premier à entrer dans l’eau. Le malade se plaint, il attend que sa guérison vienne d’une force magique extérieure. Par sa parole – la force du Verbe – le Christ lui permet de retrouver sa verticalité. Sa présence, son être solaire se communique directement à lui et réveille par résonance la force qui sommeillait en lui. L’homme puise en lui-même la force de se redresser et de porter la civière sur laquelle il gisait, l’instant d’avant. La litière : son destin. Il peut maintenant commencer à assumer pleinement son destin, mettre en mouvement ce qui tout d’abord apparaît comme impossible à transformer : ses faiblesses, ses tendances trop unilatérales. Ce qui était cause de maladie peut se transformer en source d’originalité et apporter quelque chose de tout nouveau, d’unique dans le monde. Dans la dignité, la verticalité retrouvées, l’homme peut à nouveau marcher, se transformer et donner de lui-même.
À propos de l’évangile de Jean, chapitre 5, versets 1 à 9.
Photo FrBihin- Sculpture de Giacometti- Musée de Stockholm.